Présentation

Mardi 11 novembre 2 11 /11 /Nov 02:18

Les lumières des lampadaires filtraient à travers les épais rideaux de la chambre à coucher, chatouillaient de leurs lumières la forme pelotonnée sous la couette. Cette dernière s’agitait vivement, se tournant d’un côté ou de l’autre, un endroit frais dans le lit pour une nuit jugée trop courte. De nouveau, une légère respiration se fit entendre, la personne venait de se rendormir pour une bonne vingtaine de minutes, jusqu’à ce que le radioréveil s’allume et se mette à crier les dernières notes d’une chanson connue. Des bras sortirent de sous la couette et Lorik s’assit, les yeux bouffis de sommeil et la bouche étouffant un bâillement.

«  Bonjour à tous ceux qui vont au travail et ceux qui restent dans leur lit. Nous commençons notre flash info par une information de dernière minute. Un grave incident paralyse… »

La main de Lorik arrêta l’appareil pendant qu’il murmura qu’il en avait marre des mauvaises nouvelles, de quoi pourrir le début de la journée. Lentement, il tourna la tête dans tous les sens, les vertèbres du cou craquèrent puis il se décida à sortir de ce cocon chaud pour aller se préparer et partir au travail. 

En sortant de son petit immeuble particulier aux façades rouges, rénovées à grands frais l’année précédente comme le demandait Londres par arrêté municipal tous les cinq ans, Lorik resserra son écharpe de laine autour de son cou et monta les bordures de son manteau en daim.  Le froid était arrivé tel un blizzard mordant cinq jours auparavant, surprenant tout le monde. Depuis, les températures ne faisaient que baisser. Le jeune homme état parti trois quarts d’heure plus tôt pour se rendre à pied à la City sur son lieu de travail. Il aimait bien se promener le long du parc, observer les immeubles et les gens qui marchaient dans la rue. 

A l’angle d’un carrefour proche du centre des affaires, il trouva son kiosque à journaux préférés, qui l’approvisionnait de toutes les revues financières et journaux internationaux dont il avait besoin pour son travail et sa propre culture. Le buraliste le salua d’un grand geste de la main, échangeant quelques paroles avec lui, l’habitude de le voir presque tous les jours chercher toute sa presse habituelle. En cinq minutes, Lorik avait une importante pile de papiers sous le bras qu’il s’apprêtait à payer quand son regard fut attiré par la Une de l’Evening Standard, titrant qu’un gigantesque accident avait eu lieu sur la ceinture de Londres, vers les vingt et une heures trente.  Il affichait une totale incrédulité face à cette Une tapageuse et à ces photos de taule broyée et de flammes.

-          Qu’est ce qu’il s’est passé ? Demanda Lorik à haute voix, plus pour lui que pour l’homme qui le servait.

-          Un camion de produits inflammables s’est mis en travers de la quatre voies à cause d’une rupture de transmission dans la colonne de direction et la circulation était très dense hier soir, je vous laisse imaginer la suite.

-          Beaucoup ?

-          D’après ce qu’ils ont dit au flash spécial, beaucoup de voitures se sont rentrées dedans et l’une d’elles a pris feu. Une bonne soixantaine de morts. Le ministre de l’intérieur fait partie des victimes. Un des plus graves accidents, il paraît.

Lorik laissa ses journaux sur une tablette pour prendre le journal en question. Il fut pris d’un doute subit. Ses doigts tremblants tournaient les pages à la recherche de la liste des victimes. Il avait peur que Clémentine y soit, c’était bien son heure pour rentrer de la galerie qu’elle tenait dans le centre de la ville, la nouvelle maison qu’elle possédait avec son nouveau mari se trouvant dans cette direction. Il avait une très grande amitié pour elle et aurait eu l’impression qu’on lui arrachait le cœur si quelque chose lui arrivait. Un immense soupir s’échappa de ses lèvres quand il ne vit pas son nom, il se promit de l’appeler dès qu’il arriverait à son bureau. Il ne pouvait pas le faire tout de suite, son côté tête en l’air avait frappé et il avait oublie son portable sur l’évier de la salle de bains. Il se demandait même pourquoi il l’avait amené dans cette pièce, plutôt insolite pour ce genre d’appareil.

Le jeune homme allait refermer le journal quand un nom attira son regard. Finalement il connaissait peut-être quelqu’un parmi les victimes. Il n’était pas sûr, après tout un tas de personnes pouvait porter ce nom. Il fallait absolument qu’il se dépêche d’aller au travail pour vérifier ce nom. Il leva enfin son regard et là, il sut tout de suite que c’était la bonne personne qui se trouvait sur cette liste.

Miralem s’avançait dans sa direction, les traits tirés de quelqu’un qui avait appris une mauvaise nouvelle, la mine défaite. Son allure avait quelque peu perdu de sa superbe. L’agent immobilier s’arrêta au kiosque pour prendre lui aussi des journaux économiques. Lorik  n’osait rien dire, un peu gêné, jusqu’à ce qu’un faible bonjour traverse ses lèvres et fasse tourner Miralem dans sa direction.

Les yeux bleus, tristes du jeune agent détaillaient de la tête au pied Lorik jusqu’à ce qu’il s’arrête sur le journal que l’autre tenait toujours entre ses mains. Ce dernier se dépêcha de le mettre dans son dos  mais il sembla trop tard.

-          Je vois que tu sais.

La voix de Miralem était aussi faible que son apparence le disait. Après avoir payé toutes leurs lectures, les deux jeunes hommes s’écartèrent du kiosque. Lorik ne savait pas tellement quoi dire dans ce genre de situation. Les expressions d’usage lui semblaient si fades et si éloignées de la réalité, les vraies aides ne s’exprimaient pas ainsi.

-          Si tu as besoin d’un soutien quelconque, je suis là, finit par dire timidement Lorik, pour tout et pour rien.

-          Merci.

-          De rien. Je te souhaite malgré tout une bonne journée.

-          Merci, lui répondit Miralem.

Lorik fit quelques pas avant de se retourner, regardant une dernière fois du coin de l’œil cette personne si étrangère et en même temps si proche. Il n’y avait pas de juste milieu entre eux, Lorik se demandant toujours ce qu’il lui avait pris de l’embrasser dans son propre bureau. C’était une réaction typique d’adolescent, il se souvenait de l’avoir déjà fait pour deux filles qui lui plaisaient mais là, il était adulte à présent. Qu’est-ce qu’il lui était passé par la tête ?

C’était comme tout à l’heure dans l’espace d’un très bref instant, il s’était réjoui que Miralem soit à présent seul mais il fut très vite dégouté par sa propre pensée, se trouvant immonde. D’un geste machinal, il posa une main sur sa poitrine, aspira un grand coup avant de continuer sa route. Comme pour faire écho à cette triste journée, le ciel se voila d’immenses nuages descendant du nord, des Highlands qui se mirent à déverser les litres d’eau qu’ils gardaient jalousement en réserve jusqu’à lors.

 

Sur le coup des onze heures, le lendemain matin, Lorik était attelé à son bureau aux prises avec un dossier particulièrement épais et complexe. Sur le coup d’une fatigue passagère, il leva la tête de ses suites de chiffres et de comptes-rendus pour pincer son arrête nasale et frotter ses yeux de son pouce et son index gauche. Un bâillement fut étouffé, il avait encore passé toute la nuit à travailler, n’accordant à son corps que trois pauvres heures de sommeil. Des fois, il avait honte d’imposer un tel rythme de travail à son organisme. Il avait déjà tenté de se calmer et le naturel était revenu au galop.

Finalement il se leva, dépliant son corps noué par la position assise prise pendant presque quatre longues heures et entreprit de faire quelques pas dans ce lieu presque austère, pourtant une partie de lui-même. Les murs tapissés d’armoires de bois travaillées étaient emplis de dossiers, toutes les affaires traitées puis l’ouverture de l’agence. De plus en plus, il songeait à louer un garde meuble pour mettre toute la bureaucratie inutile dans son agence. Finalement, après avoir jeté un regard à la pile de feuilles qu’il lui restait à voir, il se décida à prendre un café long à la machine, celui dont il trouvait le goût infâme mais parfait pour se donner un coup de fouet. Son téléphone portable se mit à vibrer dans une poche de son pantalon hors de prix au moment où il allait boire une gorgée brulante. C’était la photo de Clémentine qui s’affichait sur l’écran LCD de son PDA.

-          Bonjour mon chéri, s’exprima une voix joyeuse au bout du fil.

-          ‘jour Clé.

Lorik avala une gorgée de café brulante, manquant de peu de perdre sa langue au passage.

-          Dis je suis près de chez toi, enfin de ton travail et j’aimerais bien manger avec toi tout à l’heure.

-          Si tu veux mais en quel honneur ?

-          Pour parler du bon vieux temps et chasser la petite peur que tu as eue hier matin.

Il ne répondit rien, confus.

-          Si tu veux Clé. Où tu veux aller manger ?

-          Le petit pub qui fait des spécialités d’Ecosse à l’angle de Saint-Georges. Ca fait si longtemps que je n’y ai pas mis les pieds.

Le jeune se retint de faire une grimace, heureusement que Clémentine n’était pas là pour le voir. Il ne lui avait jamais dit que la cuisine écossaise, il la détestait, mais il était difficile de le dire à une écossaise de pure souche, très fière de sa région et de sa culture.

-          Très bien.

-          Alors dans une heure et quart. Je t’attendrai devant l’agence, évite d’être en retard.

-          Oui, oui. A tout à l’heure.

-          Bisous mon chéri.

Lorik eut un profond soupir tandis qu’il remettait son portable dans sa poche et finit son café. Il avait une longue heure de travail qui l’attendait, déjà son estomac faisait des siennes en prévision du repas de midi.

 

Une atmosphère enfumée flottait entre les lambris de bois et les personnes présentes. Lorik picorait dans son assiette tandis que son ex-femme dévorait littéralement son contenu. Il se demandait ce qu’elle faisait alors qu’elle lui avait dit la veille, quand il enquérait de ses nouvelles, qu’elle avait pris quelques jours de repos avant un long déplacement en Mongolie pour expertiser des objets trouvés sur un site de fouilles. Avant de tenir une galerie, la jeune femme était un professeur d’histoire médiévale spécialisé dans les peuples de la steppe reconnue et dont l’avis faisait autorité.

-          Je suis là pour une fécondation in vitro. Mon médecin m’a appelé hier soir pour me demander de venir ce matin.

-          Alors ? Il se pourrait que …

-          Peut-être, à moins que ce soit comme les autres fois.

La voix de Clémentine se fit lugubre, seule marque d’une douleur intérieure, la douleur d’une femme qui ne pouvait pas enfanter. Lorik se pinça les lèvres, lui jetant un regard navré, ne sachant que trop ce qu’elle ressentait pour l’avoir vécu pendant cinq ans. Bien qu’il en ait envie, il n’arriva pas à esquisser un geste, une main tendue. Il savait que ce n’était pas vraiment ce que la jeune mariée recherchait.

-          Comme on dit, l’espoir fait vivre, acheva-t-elle.

Elle retrouva sa bonne humeur aussi vite qu’elle l’avait quittée et se mit à parler de leur jeunesse, celle qui les avait vus faire les quatre cent coups et faire des cheveux blancs à leurs parents. Des rires ponctuèrent le reste.

-          Tu sais pour le frère de Cypriaque ? Demanda-t-elle au moment où elle sortait sa carte  de crédit pour payer les deux repas.

-          Oui, je l’ai vu, dit Lorik tandis qu’il se battait avec son ex-femme pour qu’il paye sa part, ce qu’elle ne voulait apparemment pas. Il semblait abattu.

-          C’est que Cyp m’a dit. Malgré leur rupture, il y a de ça deux semaines, ça lui a fait un coup au moral.   

Un frisson la parcourut quand ils mirent le nez dehors, à cause de l’atmosphère surchauffée du pub. Les deux serrèrent bien leurs manteaux de feutre, tirant sur les gros boutons afin de se faire une coque bien chaude.  Les bottes à talons de Clémentine claquaient contre les pavés de pierre, Lorik se battait avec ses gants pour les mettre mais la tâche se relevait ardue. Il avait eu la bonne idée de quitter les protections à envers et avec un attaché-case, il ne sortait qu’une série de jurons et de noms d’oiseaux tous aussi distingués les uns que les autres.

-          Laisse-moi faire, dit la jeune femme dans un élan de pitié.

-          Je lui ai proposé de l’aide, au cas où.

Clémentine s’arrêta un instant dans sa tâche, les yeux grands de surprise.

-          Toi. Aider quelqu’un ? Mon dieu, le monde ne tourne pas rond. Tu es plutôt du genre solitaire, même quand nous étions ensemble. Ainsi que très individualiste.

-          On change, Clémentine.

-          Oui mais pas toi. Ca fait trop bizarre.

-          C’est bon, remets-toi.

-          Cela dit, tu devrais peut-être passer, ça améliora peut-être vos relations qui n’ont pas commencé sur un bon pied.

La jeune femme n’avait pas été tenue au courant de ce qu’il s’était passé au cours des dernières semaines, cela était mieux. Son instinct de femme et sa curiosité auraient voulu en savoir plus, et il ne serait jamais débarrassé de Clémentine. Elle était plutôt tenace dans ces cas-là.

-          Oui. Je passerai dans la semaine si j’ai le temps.

-          Lorik…

-          Quoi ?

-         

-          Bon, ça va. Je passerai ce soir et c’est bien pare que c’est toi, répondit-il sur un ton désinvolte.

C’était tout le contraire de ce qu’il ressentait à l’intérieur de lui, un bouillon de sentiments aussi étranges les uns que les autres. Il avait la même sensation de joie, comme la veille au matin.

Lorik se dit que Clémentine avait raison, le monde ne tournait pas rond du tout.  

Bon, nous allons faire très court cette nuit car nous sommes crévés, et que nos lits nous attendent. Nous espèrons que vous avez pris plaisir à sa lecture. La deuxième partie de l'histoire est en marche^^.
Bises à tout le monde

Par Perri_et_Joy - Publié dans : Plus que nous [terminée]
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