Présentation

Jeudi 19 juin 4 19 /06 /Juin 00:02


Un merci et un claquement de porte furent tout qu’il entendit, plongé dans les brumes d’un sommeil encore présent. Dans le vaste lit aux arabesques et aux dorures fines, une forme aux allures de corps humain se mettait en position fœtale au cœur des grands draps blancs. Des sanglots se mirent à résonner dans la luxueuse chambre d’hôtel. Au bout d’une demi-heure, une tête aux cheveux blond cendré sortit de sa cachette. Des yeux rougis et bouffis par les larmes regardèrent la table de chevet où gisaient des  cadavres d’emballages de préservatifs.

D’un geste large du bras, il envoya tout voler. Les draps valsèrent pour s’écraser sur le sol et Auxence courut jusqu’à la salle de bains, où les toilettes accueillirent son repas de la veille. Des larmes silencieuses se remirent à dévaler ses joues. Il s’assit sur le carrelage froid et impersonnel, frissonnant de ce contact sous son fessier nu. Il mit plusieurs longues minutes avant de se calmer et de trainer son corps de sportif dans une cabine de verre pour prendre une douche. Il serra de toutes ses forces les deux robinets d’arrivée d’eau, puis les tourna à fond. S’il avait pu se noyer, il l’aurait fait mais il se contenta de laver son corps en le frottant au maximum, à en avoir la peau rougie par le crin du gant de toilette. L’odeur de l’olive du savon d’Alep s’était imprimée sur son épiderme martyrisé. 

Sorti de la douche aussi nu qu’il y était entré, il se saisit d’une grande serviette blanc crème dans laquelle il s’essuya rapidement, puis il alla dans la chambre  et le salon pour récupérer un à un ses vêtements éparpillés avec soin et vigueur et s’habilla soigneusement. Ses yeux se posèrent à nouveau sur les enveloppes brillantes de préservatifs. Le dégoût de lui-même et de ce qu’il s’était passé le secoua de nouveau. Il sortit rapidement de cette chambre maudite jusqu’à la réception qui était digne des plus grands hôtels et palaces de luxe avec un personnel en livré, une réception parlant de nombreuses langues.

Quand Auxence déposa la clé sur le comptoir de marbre noir zébré de fines trainées de blanc, le réceptionniste lui indiqua que la chambre avait été payée. Il sortit rapidement de l’hôtel, un soulagement passager l’étreignit quand il sut qu’il n’avait pas à dépenser son compte en banque pour payer, mais son état d’esprit redevint vite chaotique.

Des gouttes d’eau commencèrent à tomber pour former aussitôt un rideau de pluie, le forçant à courir sous le premier abri bus disponible. Dans son malheur il eut de la chance, car c’était la ligne qui le mena jusqu’à chez lui et que le bus arriva rapidement. Il monta, paya sa place avec le peu de monnaie qu’il avait en poche et s’installa au fond, seul avec ses pensées. La porte de chez lui n’était pas fermée. Il entendit son père faire racler une chaise dans la cuisine. Ses yeux portaient de petites cernes, signe qu’il n’avait pas dormi de la nuit, attendant le retour de son fils unique, son seul trésor.

Il était trempé par la pluie, ses minces vêtements n’étaient pas un vrai rempart. Il retira ses chaussures dans un bruit de succions pendant que son père regardait attentivement ce qu’il faisait, sans dire un mot.

Auxence leva ses yeux bleu-gris à la lueur triste.

-          Désolé, dit-il d’une voix faible.

-          Je sais Auxi mais évite de me faire du souci pour rien.

-          Désolé.

-          Et pense à ton portable.

Monsieur Teyssler sortit le téléphone portable d’Auxence de la poche de son pantalon de costume froissé par les heures assis à attendre son fils et le lui tendit par la dragonne. De la confusion se peigna sur le visage du jeune homme. Il se saisit de l’objet avant de se diriger vers sa chambre pour enfiler un pyjama chaud et se glisser sous son épaisse couette.

-          Tu as dormi où ?

-          Chez un copain.

-          Il y a une fille là-dessous ?

Ce fut ce que demanda le père qui avait suivi sa progéniture jusqu’à son antre. La fatigue et l’air triste qu’il affichait l’inquiétaient un peu mais il ne préférait pas en demander la raison. Auxence venait toujours lui raconter, à un moment où un autre, les soucis ou les problèmes qui le tracassaient, trouvant en son père une oreille attentive.

-          J’ai pas envie d’en parler.

-          Tu veux manger ou boire quelque chose de chaud ?

-          Non. Je voudrais juste me coucher et dormir.

-          Ok. Tu m’appelles si tu as besoin.

-          Oui si quelqu’un passe à la maison. Tu dis que je veux voir personne.

-          Dors bien.

Le père ferma doucement la porte. Auxence eut un soupir avant de se glisser dans son lit, savourant son confort et sa douceur, puis éteignit sa lampe de chevet qui sortait sa tête avec difficulté de sous les montagnes de livres posés sur cette petite table faite de bois de récupération. Une fois que l’obscurité eut prit sa place, Auxence s’enfouillât dans son cocon et se remit à pleurer, maudissant sa propre faiblesse et essayant de panser ses blessures physiques et morales. Sa faiblesse d’avoir cédé à Idriss, de l’avoir laissé faire et surtout d’avoir vibré de plaisir, de l’avoir crié, cela pendant quatre fois. Ses pleurs se tarirent  quand le sommeil se décida à frapper à sa porte pour le pousser dans le monde des rêves.

Il passa tout le weekend cloîtré dans sa chambre, ne sortant que pour manger et regarder à la télé du salon, ses programmes préférés. Son père suivait avec une attention particulière les mouvements de son fils. Un bleu était apparu sur sa pommette gauche, des marques rouges dans son cou  donnaient l’impression que son corps était passé sous un camion. Il ne fit aucun commentaire malgré une certaine curiosité. Curiosité qui se trouva agrandie quand Ephram passa chez eux pour voir absolument Auxence.

Le jeune homme avait la tête de quelqu’un qui avait une gueule de bois et qui cherchait à savoir ce qu’il avait fait, la veille au soir. Des bribes lui étaient revenues, se voyant embrasser Daegan passionnément mais il ne savait pas quoi en penser. De la rougeur et une légère gène se lisait sur son visage mais il voulait en parler à son meilleur ami. Peut être que cet épisode serait infirmé mais Auxence refusa de le voir catégoriquement.

 

Sous une pluie aussi battante, le lundi arriva en inaugurant une nouvelle semaine de cours et de travail. C’était une semaine comme les autres pour beaucoup mais nouvelle pour d’autres à cause de certaines choses passées dans un court laps d’heures.

Entendant religieusement le cours d’Histoire, Auxence prenait des notes fébrilement, son stylo accroché aux paroles du professeur. Il n’avait pas décroché un mot depuis les deux premières heures de la journée, même pas à Ephram qui était assis à côté de lui. Celui-ci tenta de lui passer un petit mot de papier, arraché au bas de sa feuille de cours en espérant qu’Auxence sorte de son mutisme pour écrire quelques mots. Son ami plongea la main dans sa trousse de toile bleue pour en sortir un stylo feutre rouge, avec lequel il barra le mot d’un « pas envie de parler ». Ephram eut un regard déçu avant de glisser le bout de papier dans une poche de jean, puis se perdit dans ses pensées, facilité par la voix monocorde du professeur d’Histoire.

A dix heures, heure où l’intercours était le plus important, Auxence alla se réfugier dans la grande bibliothèque du lycée pour une heure de permanence qu’il transforma en heure de travail intensif pour éviter de penser à son week-end,  mais la minuscule bulle de calme qu’il avait réussi à se créer vola en éclat quand une petite pile de feuilles maintenue par un trombone tomba devant son nez. Il leva les yeux pour voir Idriss se tenir devant lui, habillé comme à son habitude, ses piercings identiques à ceux de la semaine précédente, l’acier brillant comme l’argent, un petit sourire s’étant égaré sur les traits de son visage.

-          Qu’est-ce que tu veux ? demanda un Auxence qui se voulait le plus désagréable possible, cherchant un moyen de lui faire payer la nuit qu’ils avaient passé ensemble.

-          Tu peux me faire ça pour samedi ?

Pour la première fois, Idriss n’usa pas d’un ton impératif pour exercer son chantage mais la demande restait la même.

-          Hors de question.

-          Bon, je me rends de ce pas chez notre cher proviseur. Je pense qu’il sera content de me voir.

-          Non. Je vais le faire, lâcha Auxence.

Il avait pensé que ce chantage ne tenait plus, mais Idriss sembla faire comme si rien ne s’était passé, un instant inconnu dans sa mémoire.

-          Je vais le faire mais j’aimerais que tu dégages pour un long moment de ma vue.

-          Mais oui. A samedi.

Idriss partit sous les yeux brûlants de fureur d’Auxence, renforcée par les regards doux que les jeunes femmes présentes dans ce havre de paix lançaient à leur camarade aux cheveux de pointes bleues. Auxence avait envie de crier un bon coup, pour chasser tout ce qui empoisonnait son esprit.  Au lieu de ça, il se saisit du paquet de papiers qu’il glissa au dernier intercalaire de son trieur. Il s’en occuperait plus tard, sans doute demain, après son entrainement de basket. En y pensant, une peur lui tordit le ventre. Les coéquipiers allaient lui poser des questions dans les vestiaires. Le trafic s’était arrêté et encore il avait une explication simple et répondrait aux questions.  De plus, son carnet de compte lui empêcherait tout autre chantage. Mais c’était surtout des marques de son corps, stigmates d’une nuit volée, douloureuse et passionnée, dont il avait peur qu’on lui pose des questions. Tant pis, il viendrait déjà changer, voulant s’éviter une honte supplémentaire. Après cette réflexion, il se remit à travailler pour avancer son programme et se préparer pour les tests d’entrée de certaines universités.

 

De la musique filtrait dans toutes les pièces de la maison. Une musique à la fois douce et mélancolique, qui parle au plus profond de soi. Le son monta brusquement et L’Adagio du concerto d’Aranjuez se mit à faire courir ses notes de désespoir dans ce seul lieu habité qu’était le salon.

Assis en tailleur sur l’imposant tapis persan noir et rouge qui couvrait une grande partie du parquet de cette pièce, Idriss tenait par le col une bouteille de whisky de quinze ans d’âge. Faisant glisser les dernières gouttes de l’alcool dans sa bouche et sa gorge, Idriss finit sa deuxième bouteille. Il la déposa à côté de la précédente avant d’en prendre une autre, une bouteille de chartreuse mais il arrêta son geste quand il regarda en face de lui.  

Etalées en face de lui, sur le même tapis, une vingtaine de copies double toutes rédigées dans une écriture soignée et régulière mais barrée en travers par d’autres mots au stylo feutre rouge vif. Connard, salop et autres insultes aussi virulentes les unes que les autres, voilà ce qui était écrit. Idriss reconnaissait sans peine l’écriture d’Auxence et cela lui mettait comme un coup au cœur. Pourtant il ne l’avait pas volé, il le savait mais il avait espéré que ce soit oublié. Et comme à son habitude quand quelque chose n’allait pas dans le sens où il voulait, il buvait plus que de raison. Mais ce soir, l’alcool avait un effet pervers.

Depuis une minute, des larmes sortaient de ses yeux pour finir leur course sur le baggy en jean qu’il portait. Puis des sanglots se mirent à secouer son corps sans qu’il puisse les arrêter. Il tomba sur le côté et commença à pleurer à chaudes larmes sans s’arrêter, se trouvant tout à coup minable.

La porte d’entrée s’ouvrit, laissant passer Ceylan vêtue d’une robe de soirée mauve et d’un épais manteau. Elle rentrait juste d’une soirée d’anniversaire chic d’un ami, où elle s’était follement amusée et c’était avec le sourire qu’elle déposa les affaires sur une desserte dans le hall d’entrée.

Elle perdit vite sa bonne humeur quand des notes du concerto parvinrent à ses oreilles. Elle courut dans le salon pour voir son grand frère, sanglotant tout ce qu’il savait, des bouteilles et des feuilles de papiers à côté de lui.

Elle eut un profond soupir de désespoir face à ce qu’elle voyait : son frère qui avait l’art de lui gâcher une soirée. La première chose qu’elle fit, ce fut de prendre toutes les bouteilles, vides ou pleines et de les mettre hors de portée. La deuxième chose fut d’arrêter le cd qui tournait en boucle dans la chaîne hi-fi.

Idriss sembla se rendre compte que quelqu’un s’agitait autour de lui et que c’était sa sœur.

-          Dis, petite sœur. Tu crois que je suis un connard ?

-          Bien que ça dépende de quel point de vue on se place, mais oui. Tu peux être un vrai connard.

Les sanglots d’Idriss redoublèrent.

-          Allez, bouge-toi. Je vais te coucher.

Elle quitta ses chaussures à talons qu’elle posa délicatement sur un fauteuil. Elle le souleva et lui fit passer un bras autour de son cou pour le trainer jusqu’à sa chambre. Il ne l’aidait pas et continuait de pleurer. Lamentable, fut ce qu’elle pensa de son frère à cet instant. Une demi-heure après, elle avait couché le jeune homme et se retrouvait en bas à se faire une tisane à la verveine bien mérité. Elle ne put s’empêcher de ramasser les copies et de lire de qui avait été marqué.

Intérieurement, elle félicita la personne qui avait écrit cela car il avait envoyé ses quatre vérités à Idriss. Cela ne lui faisait pas de mal de redescendre sur terre. 

 

Et voilà, encore un nouveau chapitre qui n'est pas un lemon comme on nous l'a donné. Ne sont-ils pas très cons nos personnages ? Nous attaquons la deuxième partie de l'histoire dans la bonne humeur et notre connerie habituelle. 
Gros bisous à tous et à toutes....   

Par Perri_et_Joy - Publié dans : Indicibles cruautés [terminée]
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